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LA RETRAITÉE ET LE R'MISTE.

Nous avions de bons, quoique très limités, rapports de voisinage, elle habitait dans une impasse proche et passait devant chez moi pour s'y rendre, c'était une femme de 70 ans environ, aussi grande que moi, mais beaucoup plus large. Je mesure un mètre et quatre-vingt-quatre centimètres. Je l'avais aidé deux fois à porter ses sacs trop remplis.

Un âge avancé qu'elle assumait avec grande vivacité et toujours sapée avec élégance, de marques pour femmes mûres. N'hésitant point à n'user que de ces membres inférieurs comme moyen de locomotion. Que ce soit pour se rendre au marché ou à la plage, éloignés tous deux de 5 ou 6 km d'ici, et ce, aux heures les plus chaudes de la journée, même en plein été. Ainsi, sa forme physique était nettement plus entretenue et bien supèrieure à la mienne.

Nos discussions étaient au niveau du minima syndical, jamais d'envolée. L'avantage était que le plus souvent je la croisais, nous n'allions pratiquement jamais dans la même direction. Nous avions des horaires inversés, je sortais quand elle rentrait et vice-versa. Des banalités sur le temps, je la soupçonnais de droite, mais bon, par ici, la chose est courante.

Elle avait pris l'habitude de déposer du pain mouillé en face de mon portail, des baguettes entières. Pour nourrir les colombes, me disait-elle. Je ne pense pas que les colombes avaient besoin d'elle pour survivre, mais chacun fait ce qu'il peut pour occuper sa vie.

Comme un imbécile, je lui confie un jour, de grande détresse morale, que je n'étais qu'un r'miste.

Les jours passent, ils n'ont que ça à faire, et toujours ces tas de mie molle. Puis, un soir, je surprends un rat qui se rassasie. Alors, le lendemain je planque vers la même heure et je m'aperçois qu'il a ramené des congénères, ils sont une dizaine,  ça se corse.

Quand je la croise à nouveau, deux jours après, je lui fais part très gentiment de ma découverte et lui demande d'arrêter pendant quelque temps ses livraisons. Je lui demande aussi pourquoi elle ne nourrit pas ces colombes devant chez elle. C'est une bonne question, non ? Elle me tourne le dos brusquement et se tire en maugréant.

Mais elle ne change rien à ses habitudes, elle change juste d'horaire, impossible de la revoir durant quelques jours. Des fois, je sors armé d'une pelle et je nettoie l'endroit.

Enfin, je retombe sur elle et je lui demande, toujours avec les égards dus à son âge et à son sexe supposé faible(?), de stopper tout net ces enfantillages, c'est ridicule. Et, il y a des lois sur l'hygiène, les rats vous sav... Que n'ai-je dit... Elle se met à hurler.

— Salopard de r'miste, c'est moi qui te paye à rien foutre toute la journée et tu veux m'empêcher de nourrir ces bêtes qui ne t'ont rien fait. Va travailler va, à ton âge t'as pas honte ? Et naturellement, une autre voisine nous croise à ce moment.
Faudrait que j'écrive ses paroles en caractères gras, afin qu'on ressente sa haine.

Elle répète ses mêmes arguments une autre fois, sur le même ton, les mêmes mots, mais dans un ordre différent et avec une violence étonnante chez une femme de cet âge, tellement que je n'ai su quoi répondre. Enfin, j'ai juste dit :

— Espèce de grosse vache, va ! Grosse vache ! Et je suis parti.

Pas de quoi être fier de la répartie... Ce dialogue à jamais gravé dans les "caches" du web s'est déroulé il y a 8 ou 9 mois, depuis une quinzaine de jours l'endroit reste propre. On se croise de temps à autre, en regardant ailleurs. Mais, je l'entends marmonner, à mon hauteur, sale r'miste, sale faignant... ou d'autres trucs pas très avenants.

Voilà, j'ai été un bon r'miste respectueux durant des années, car ces colombes nourries en face de ma piaule, avaient pris l'habitude de se poser sur les fils  téléphoniques qui passaient au-dessus de ma deuch pour digérer aussitôt, ce qui la couvrait de fientes ; des microtrous sont apparus depuis dans la capote, heureusement, il ne pleut pas souvent dans la région, grosse vache.

Comme disait ma mère, "fait du bien à Martin, il te le rend en chiant dans ta main."



 

Commentaires

  • En même temps, jolie histoire, vu de chez moi :) Merci pour elle (l'histoire).

  • ouais, c franchement lourd y'a des jours d'etre rmiste enfin, surtout la connerie des autres souvent :) (bisous :) )

  • Suis désolée, j'ai pitié d'elle plus que de toi, mais comme tu le sais il y a toujours un peu de condescendance, voire de mépris dans la pitié.

    L'amertume et l'aigreur de ces personnages qui se sont laissés bouffer par la vie ne font, le plus souvent, de tort qu'à eux même.

    Leur plus grand pouvoir de nuisance est dans le risque de contagion. Je me souviens d'une dame qui était venue consulter (j'étais psy dans une autre vie). Victime de ce genre d'agression, ce qui l'avait le plus déstabilisée c'étaient les sentiment violents et haineux qu'elle sentait monter en elle. ("Je me reconnais pas , elle disait).

  • @mc :L'amertume et l'aigreur de ces personnages qui se sont laissés bouffer par la vie ne font, le plus souvent, de tort qu'à eux même.

    a eux meme, ouais, mais aux autres aussi, hein, bon :) (parce que se faire traiter comme de la merde, surtout quand c'est en boucle, a force ca marque )

    bisous :)

  • je crois que j'aurais eu la même réaction que toi!

    de temps en temps il faut le leur dire, qu'ils sont cons (aux cons malfaisants)!

    le leur dire et les oublier, surtout ne pas s'empoisonner la vie avec eux., ne pas se laisser bouffer par leur connerie

    redevenir zen

  • @mc, c'est vrai que depuis je la regarde aussi avec "pitié". Mais, d'un autre côté, un sans-papiers ( ou autre, en faiblesse passagère) aurait beaucoup à craindre de ce genre d'énergumène qui exerce la médisance avec volupté, voire la délation...

    @céleste, j'aurais bien aimé lui répondre plus précisément, mais bon, c'est trop tard. Cette petite parenthèse dans mon existence est close, toute minuscule qu'elle fut, elle m'aura permis de recevoir 5 commentaires sympas de soutien.

    @olivier et narj, merci d'être passés par ici :)

  • Je sais que je devrais pas mais ça m'a fait hurler de rire, cette histoire... Et là encore, rien que de me remémorer la scène, de me repasser le film, c'est plus fort que moi j'ai une quinte...

    J'en ai une semblable, quoiqu'un brin plus vicelarde peut-être, mais je vs laisse juge :

    Je suis comme vous, une feignasse de Rmiste, ou plutôt un ASS (chômeur longue durée quoi). Un jour je croise une bonne femme, du genre de la vôtre mais moins âgée, la petite cinquantaine, et qui bosse ds un hosto. On est vaguement parent je crois. On discute un moment, de tout et de rien, surtout de rien. Elle me demande ce que je fais. Je réponds bof pas gd chose tjrs pareil. Et toi ? ça va ? ça va et toi... bref on meuble un moment, entre gens civilisés puis on se quitte, soulagés.

    Quelque temps plus tard j'apprendrai, par un copain hospitalisé que je vais voir, qu'il est ds le service de la dame en question et que celle-ci lui a parlé de moi... et de notre petite conversation. Il n'en avait rien paru mais elle a été profondément choquée : "quoi ? comment ? il est au chômage et il a eu le culot de me dire qu'il avait été jouer au tennis et qu'il était fatigué !!! alors que moi je me tue à la tâche ! Non non et non, ça je l'admets pas..."

    J'ai ainsi appris à mes dépens qu'un chômeur ne devait pas se laisser aller à divulguer autre chose que sa détresse, son désarroi, sa recherche permanente de travail, sa pauvreté, sa misère, c'est très mal vu par ceux qui bossent : la télé leur a dit que le chômeur était à leur charge, que c'était eux qui le payaient à rien foutre ou, pire, jouer au tennis...

  • pour vivre heureux, vivons cachés nous les gueux...

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